Charcot et Bernheim

ImageJean Martin Charcot (1825-1893) professeur d’anatomie pathologique et membre de l’Académie de médecine exerce ses fonctions à l’hôpital de la Salpêtrière. C’est aux alentours de 1872 qu’il fait ses travaux les plus importants en neurologie. Sous la direction du docteur Burq, se déroulent des expériences sur la « métalloscopie » c'est-à-dire sur l’action des métaux sur le somnambulisme. D’après Burq : «  quand une personne  sous sommeil somnambulique provoqué, touche un objet métallique, elle tombe en catalepsie (autrement dit ses membres gardent la position imposée par le praticien), voire en léthargie profonde ». 

Les travaux de Mesmer, sur les métaux et les aimants, reprennent donc une place importante malgré les travaux de l’abbé Faria et rejettent la suggestion verbale de Liébault. Dumontpallier, lui aussi médecin français, affirme même que la suggestion n’est pas une condition déterminante de l’hypnotisme. Les médecins n’accordent plus d’importance aux travaux de Faria et Liébault et toutefois ils dévoilent à l’avance à leurs patients les actions et leurs conséquences, qu’ils allaient provoquer. Ils délivrent donc inconsciemment des suggestions verbales. On observe donc un retour à une vision ancienne du mécanisme de l’hypnose.

Charcot pense que le sommeil hypnotique est une névrose qui ne se développe que chez les sujets hystériques. Il prend ses sujets parmi des femmes internées et diagnostiquées comme hystériques, il les hypnotise en utilisant la technique des passes et des applications de métaux. Il exerce devant des assemblées composées de médecins ou non-médecins et laisse parfois ses assistants s’en charger. Il voit en sa théorie une névrose hypnotique, pathologie composée de trois états : la léthargie, la catalepsie et le somnambulisme, formant ainsi « le grand hypnotisme ».

C’est grâce à Charcot que l’hypnotisme apparait officiellement dans les hôpitaux les plus réputés de l’époque, l’hypnose connait alors son âge d’or au niveau international. En effet le premier Congrès International de l’Hypnotisme a lieu en 1889 sous la présidence de Dumontpallier et se déroule à Paris.

Néanmoins Charcot a fait des erreurs, par exemple il a attribué aux métaux des pouvoirs qu’ils n’ont pas il a donc par ailleurs minimisé l’impact de la suggestion verbale. En outre d’après lui l’état hypnotique est un état pathologique définit sans bien fondé par trois états différents cités ci-dessus. Mais son mérite est d’avoir perçu l’importance du phénomène hypnotique et de l’avoir utilisé. De plus il a imaginé que l’état hypnotique peut révéler une personnalité hystérique. Sa dernière action gratifiante est d’avoir donné une réputation à l’Ecole de la Salpetrière puisqu’elle a même attiré Sigmund Freud alors qu’il n’était âgé que de 29 ans.

 

    

ImageHippolyte Bernheim (1837-1919), professeur de médecine et célèbre neurologue français exerce à l’école de Nancy, est le plus grand opposant des théories de Charcot.  En effet c'est grâce à une patiente souffrant d’une sciatique aigue est soulagée par le docteur Liébault qu'il s'intéressera à l'hypnose. Il lui rend alors visite et constate la réalité du phénomène hypnotique et sa valeur thérapeutique.

 

 

 

Il va démontrer que l’état hypnotique est un phénomène psychologique normal, il affirme «  les prétendus phénomènes physiques de l’hypnose ne sont que des phénomènes psychiques : la catalepsie, le transfert, la contracture etc., sont des effets de la suggestion (…)  Le sommeil hypnotique n’est pas une névrose analogue à l’hystérie (…)  nul ne peut être hypnotisé s’il n’a l’idée qu’il va l’être ». Un des points les plus importants aux yeux des Bernheim est que tout sujet bien portant, homme ou femme, peut être mis en état d’hypnose et il considère qu’il existe des degrés d’hypnotisabilité c’est à dire que tout le monde peut être influencé mais certaines personnes sont plus influençables que d’autres. Chaque sujet est donc plus ou moins apte à l’hypnose et chacun répond différemment, et une adaptation de la méthode ,en fonction du patient, est  donc indispensable. Bernheim distingue deux types de patients : ceux avec lesquels il est préférable de procéder avec douceur, et ceux qu’il faut brusquer ou avec lesquels il faut faire part d’autorité. Mais il garde une constance avec tous ses patients, en effet les premières séances se déroule toujours de la même manière : il commence avec un entretient durant lequel il donne des explications au malade qui peuvent permettre de lui retirer son angoisse. Ensuite aux cours des différentes séances il fixe l’attention du sujet sur l’idée du dormir et lui affirme les différents phénomènes du sommeil, c’est à dire essentiellement la lourdeur des paupières, l’engourdissement, l'obnubilation, puis la sensation du sommeil. Ce protocole est en réalité très similaire à celui utilisé de nos jours.

Bernheim dans ses traitements n’a jamais fait appel au spectaculaire et ne réserve pas sa thérapie à une catégorie spécifique de malades. Il traite des pathologies courantes comme les douleurs rhumatismales ou encore les maladies de la peau etc.

Comme Charcot, Bernheim recevra la visite de Freud qui écrira à ce propos : « Je fus témoin d’étonnantes expériences de Bernheim sur ses malades d’hôpital et c’est la que j’ai reçus les plus fortes impressions relatives à la possibilité   de puissants processus psychiques demeurés cependant cachés à la conscience de l’homme ».

Bernheim à poussé son analyse sur le pouvoir de la suggestion encore plus loin ce qui l’a poussé à dire « Il n’y a pas d’hypnotisme, il n’y a que de la suggestibilité ».  Il s’opposera donc fortement à l’école de la Salpêtrière et à Charcot car il nie de plus en plus le phénomène hypnotique au profit exclusif de la suggestion. Pour lui la suggestion est une influence provoquée  par une idée suggérée et acceptée par le cerveau, et il définie la suggestibilité comme une aptitude particulière à transformer l’idée reçue en acte.

Bernheim apporte donc à l’hypnose un tournant décisif puisqu’il lui donne des bases exclusivement psychologiques. Et ses conclusions sont fondées sur l’étude de patients sains alors qu’à la Salpêtrière les expériences portent sur des hystériques. Toutefois il commet aussi des erreurs, par exemple lorsqu’il affirme que le sommeil ordinaire n’est pas différent du sommeil hypnotique. De plus il doute de la nécessitée du sommeil hypnotique pour influencer et lui substitue même le mot suggestibilité. Bernheim éclaire aussi la relation entre le médecin et le malade. Il raconte, en effet, le cas d’une jeune fille qui avait une aphonie nerveuse (perte de la voix). Il décide d’abord de recourir à la simple suggestion par affirmation. Il lui masse ensuite le larynx puis dit « Maintenant vous pouvez parler à haute voix ». La jeune fille prononce facilement quelques lettres et retrouve finalement l’usage de la voix. Par cet exemple on voit que Bernheim mettait ses patients en état d’hypnose sans utiliser une technique d’induction conventionnelle. Seule la relation médecin-malade suffit à installer un état hypnotique, et la suggestion chère à Bernheim profitait de l’état hypnotique.