Bases de la suggestion

 

Le premier grand opposant du magnétisme animal est l’abbé Faria, un prêtre portugais né en Inde, qui en 1819 viendra bouleverser les théories proposées jusqu'à présent. D’après lui le fluide magnétique n’existe pas, l’hypnotiseur ne possède aucune propriété spéciale et la cause du sommeil hypnotique se trouve au niveau du cerveau du patient. Pour lui il n’y a pas de preuve de l’existence réelle d’un fluide magnétique universel, thermique ou électrique. En effet chaque jours Faria rassemble plus d’une soixantaine de personnes chez lui et n’en choisi qu’une dizaine pour faire ces expériences : il les installe dans des fauteuils, leur dit de fermer les yeux et les engage à se recueillir puis d’un ton autoritaire leur ordonne de dormir. Certains des sujets tombent  dans un sommeil que Faria appel « sommeil lucide ». Ses expériences donnant souvent les résultats attendus, il fut celui à avoir mis en place les bases de la suggestion formant cinquante ans plus tard la doctrine de l’école de Nancy en parfaite opposition avec le magnétisme animal, puisque Faria avait laissé de côté le baquet, les aimants, les cordes et l’aspect de spectacle du magnétisme. Mais un jour un comédien, simula le sommeil au cours d’une séance et dit à Faria  " si vous magnétisez les comme vous m’avez magnétisé moi, vous ne faites pas dormir grand monde ". Suite à ce scandale la réputation de l’abbé Faria fut gravement atteinte et il fut rapidement oublié ainsi que ses théories.

Mais le mérite de Faria fut d’avoir nié l’existence du fluide magnétique mettant en valeur l’importance de l’imagination, ceci étant un tournant décisif dans l’histoire du magnétisme mais passant inaperçu a cette époque.

 

           L’abbé Faria oublié, le magnétisme animal revient, des cours publics sont donnés, des livres et des mémoires sont publiés en masse. En effet en 1831 Husson, favorable au magnétisme animal, déclare : « Considérés comme agent de phénomènes physiologiques ou comme moyen thérapeutique, le magnétisme devrait trouver sa place dans le cadre des connaissances médicales et par conséquent les médecins devraient seuls en faire et en surveiller l’emploi ». Dans ce discours Husson exprime donc son désir de faire de l’hypnose un outil médical et de ne plus l’utiliser à des fins charlatanesques, étant de plus en plus nombreuses au cours du temps.

 

 

 

           Image C’est en 1841 que James Braid, chirurgien à Manchester, entreprend de reprendre les théories de l’abbé Faria, inspiré par les démonstrations de Lafontaine un hypnotiseur de foire. Il abandonne définitivement l’idée de magnétisme animal qu’il considère comme une supercherie. Il écrit en 1843 Neurohypnologie, traité du sommeil nerveux ou hypnotisme. Braid nie la présence d’un fluide, et refuse l’hypothèse de transmission de pensées induite par ce fluide d’après Mesmer et Puységur. Mais en réalité il n’a pas mis fin au magnétisme car il admet que sa méthode ne produit pas tout ce que celui-ci peut produire mais ayant une spécificité autonome. La nouveauté essentielle apporté par Braid est le principe d’autohypnose en effet une personne a la capacité de s’hypnotiser seul en fixant un objet brillant à une distance précise. Lorsque le sujet se trouve dans cet état Braid affirme que l’imagination de l’individu devient si importante que toute idée suggérée par l’hypnotiseur ou autosuggérée devient réalisable. Dans ce cas si le praticien évoque un sentiment précis le visage du sujet l’exprime aussitôt. Mais les travaux de Braid restent longtemps inconnu en France et en Angleterre, c’est en Amérique autours de 1848 qu’il est remarqué et ses théories sont confirmées par Grimes, celui-ci prenant conscience de l’importance des paroles et qu’elles sont déterminantes dans la suggestion. Cette théorie sera d’ailleurs défendue par Bernheim dans son école de Nancy. Grimes appliquera ensuite sa méthode, qu'il nomme « électrobiologie » pour des utilisations analgésiques.

           

            Entre Mesmer et Braid le pouvoir est passé des mains du magnétiseur à celle du magnétisé. En effet jusqu’au marquis de Puységur le magnétiseur était le seul personnage important dans la thérapie puisqu’il possédait le fluide curatif, le sujet était donc considéré comme un automate ou un individu passif. Mais l’abbé Faria donne le pouvoir au patient c’est à dire à l’hypnotisé puis Braid affirme que l’hypnose peut se pratiquer sans la présence d’un hypnotiseur car il peut s’autohypnotiser.

 

Il faudra attendre le début des années 1860 pour assisté a l’introduction des théories de Braid, en effet le professeur Azam, chirurgien à bordeaux, lit la Neurohypnologie et fera part de ses idées à Broca, lui aussi chirurgien, qui à l’hôpital de Necker endormira une jeune femme, présentant des vastes brulures et un abcès volumineux, pour l’opérer et traiter ses blessures, en état d’hypnose. A son réveil celle-ci ne se souvient de rien et s’étonne d’apprendre que son abcès a été enlevé. Cette opération sera la première ayant utilisé l’hypnose à des fins anesthésiques. Azam tente donc d’utiliser l’hypnose comme anesthésiant à la place du chloroforme mais les réussites sont tous de même rares et discrédites le Braidisme. Il renaitra en 1866 avec le docteur Liébault et son livre  Du sommeil et des états analogues considérés surtout au point de l’action morale sur le physique , ce titre étant inspiré de l’ouvrage de Braid. Liébault fonde sa thérapie sur la suggestion verbale. Bernheim dira à son propos : « Il endort par la parole, il guérit par la parole, il met dans le cerveau l’image psychique du sommeil, il cherche à y mettre l’image psychique de la guérison ». Cette technique est celle utilisée de nos jours, mais Liébault sera souvent tenté de revenir aux théories de Mesmer sur l’existence d’un fluide. Cependant sa rencontre avec le professeur Bernheim l’en éloignera. De plus pour celui-ci les travaux de Liébault ont beaucoup compté. D’ailleurs Bernheim considère que le docteur a amélioré et concrétisé les thèses de Faria et Braid : «  il a ramené a l’idée que la suggestion à sa plus simple expression. Il a montré que la très grande majorité est susceptible d’être influencée et traitée bénéfiquement ». Depuis de nombreuses recherches sont entreprises, les plus connues sont celle de Charles Richet (Prix Nobel de Médecine en 1913) en 1875 qui permettent à l’hypnose de sortir à nouveau de l’ombre malgré de nombreuses contestations dans le milieu médical. C’est Charcot qui se chargera de trancher le débat entre partisans et adversaires de l’hypnose.