La lutte des deux écoles

 

Nous avons suivi la lente élaboration des deux tendances opposées et maintenant prête à s’affronter. En effet d’un coté nous retrouvons Liébault et Bernheim avec l’école de Nancy et de l’autre coté se trouve Charcot et l’école de la Salpêtrière.

La lutte des deux écoles peut se diviser en deux périodes successives : de 1884 à 1900, moment ou l’hypnotisme, la suggestion, et l’hystérie se disputent les pages dans les journaux, les revues, etc. et le maximum d’intérêt pour l’hypnose se situe en 1889, date du premier Congrès de L’Hypnotisme. Mais ensuite nous assisterons à un déclin très progressif. Et de 1900 jusqu'à la fin de la première guerre mondiale l’hypnotisme sera mis de côté.

 

         Liébault et Bernheim constituent l'essentiel de l'école de Nancy mais c'est surtout le second qui fit la renommé de cette école, même si ces théories furent souvent contredites, en effet d'après lui la suggestion est l'acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau et acceptée par celui-ci, c'est la loi de l'idéodynamisme et Bernheim illustre celle-ci par de nombreux exemples, tel que : l'idée peut devenir un sensation, une image, un mouvement ou elle peut encore neutraliser un mouvement ou une sensation, c'est dans ce cas qu'elle sera utilisée pour anesthésier. L'idée est donc finalement la source de toute action. Cet idéodynamisme sera le fondement de la psychothérapie suggestive permettant par exemple de faire accepter sa douleur au patient. La suggestion est donc considérée comme un moyen d'augmenter l'idéodynamisme et l'hypnose est définie par « un état psychique particulier qui met en activité ou exalte à des degrés divers la suggestibilité, c'est à dire l'aptitude à être influencé par une idée acceptée par le cerveau et à la réaliser ». C'est à partir de cette époque que Bernheim n'admet plus d'identité au sommeil physiologique et au sommeil psychique. C'est alors une prise de position importante de la part e ce dernier car il se voit délaissé de la majorité de l’opinion, il soutiendra alors cette conception seul jusqu'à la fin de sa vie. En effet Bernheim nie toute spécificité à l'hypnose surtout par rapport à ses effets. Et c'est cette évolution que ne lui pardonnerons ni ses amis ni ses adversaires. Bernheim va alors pousser sa théorie encore plus loin puisque lors du Congrès International de Médecine en 1897 à Moscou, il ira jusqu'à dire  « Il n'y a pas d'hypnotisme». Cette affirmation suscitant par la suite de violentes protestations et tous les partisans de l'hypnotisme, qu’ils soient pour ou contre l'école de la Salpetrière vont se trouver un terrain d'entente : la critique de Bernheim. Pourtant celui-ci explique ses propos car pour lui il n'existe pas de sommeil particulier provoqué, et que les phénomènes dit hypnotiques existent donc sans sommeil, c'est à dire sans hypnose si on entend par ce mot sommeil provoqué. Bernheim utilise donc lors de ses thérapies autant que possible la suggestion psychothérapique à l'état de veille  et recourant le moins possible au sommeil hypnotique. Il dira en effet en 1903 " aujourd'hui, quand je fais la suggestion verbale dans un but thérapeutique, je m'inquiète peu de savoir si le sujet dort ou ne dort pas. Mais peu de gens reconnaissent qu'il a ainsi découvert la psychothérapie et beaucoup le traitent de guérisseur parascientifique ou même de déserteur de l'hypnotisme. De plus ses idées sur le rapport entre hypnose et médecine légale sont tout aussi mal interprétées. Pour Bernheim, des suggestions criminelles ne sont pas impossibles mais tous les échelons entre obéissance impulsive et refus du patient, existent. Ses idées sont pour la plus part du temps mal interprétées par ses adversaires qui accusent Bernheim de faire de ses patients des automates obéissant à n'importe quel ordre. Cette critique est en réalité lié à l'opinion de Charcot pour qui le crime suggéré sous hypnose est impossible car l'hypnose n'est pas affaire de suggestibilité mais d'hystérie. Bernheim s'attaquera alors au concept les plus cher de l'école de la Salpetrière comme par exemple l'hystéro-épilepsie en effet ces deux affections peuvent être visible chez un même sujet mais seulement car c'est l'épilepsie qui entraîne l'hystérie et donc les deux crises conservent leur individualité et ne se confondent pas. Le domaine de l'hystérie d'après Bernheim doit être séparé de celui de l'épilepsie et surtout considérablement réduit. Il définira l'hystérie d'ailleurs comme non pas une maladie mais un syndrome réactionnel émotif, qui peut exister seul, ou venir de maladies diverses et surtout de traumatismes. L'entité morbide gigantesque édifiée par l'école de la Salpetrière n'existe donc pas.

Bernheim se rend alors compte qu'il est important de distinguer hypnose et psychothérapie même si la première n'est qu'une petite partie de la seconde. La psychothérapie est finalement vue par Bernheim comme un ensemble de moyens psychiques visant à guérir ou à soulager.

        

        

         Les travaux de la Salpetrière offrent moins de cohérence que ceux de l'école de Nancy, en effet les élèves étant plus nombreux  certains respectent la doctrine de Charcot alors que d'autres essaient d'y ajouter des doctrines nouvelles. On assiste alors à une évolution inverse entre les deux écoles, puisqu'ici se construit un système de plus en plus riche et complexe. Richer et Gilles de la Tourette jusqu'à la mort de Charcot sont les deux fervents représentant de la théorie initiale de la Salpetrière en matière d'hypnose. Le meilleur exemple est l'article qu'ils ont écrit, grâce à Charcot, dans le Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicale au mot " Hypnotisme " en 1889. L'école de Nancy est alors presque passée sous silence. Le grand hypnotisme comme l'appel alors Charcot est décrit surtout par les aspects magiques de l'hypnose, le fluide et surtout le magnétisme animal. Ils décrivent alors peu de faits nouveau leur but étant en réalité de sauvegarder les principes premiers de la théorie. C'est Pitres en 1891 qui après avoir été interne de Charcot deviendra l'une des autorités neurologique les plus écoutées de province. Il reprendra lui aussi tout les points du dogme de la Salpetrière  en admettant surtout que l'hypnose n'est qu'un symptôme de l'hystérie mais il ne se permettra que de minimes modifications à la doctrine initiale et sous toutes ses expériences l'influence de Charcot sera grandement présente.

 Ce n'est seulement qu'après la mort du maître que Babinski sera l'un des rares élève à réellement faire évoluer la doctrine puisque le seul point ou il ne changera pas de position sera pour l'opposition face à l'école de Nancy. Cette opposition est sans doute liée à son attachement pour Charcot, en effet il publie un article en 1889 appelé  Grand et petit hypnotisme dans le quel il essaye notamment d'enrayer les succès de l'école de Nancy.  En effet dans cet article il reprend l'étude des caractères somatiques de l'hypnose et aussi l'hyperexcitabilité neuromusculaire, et conclut que l'hypnose est un état pathologique, une névrose artificielle comparable à l'hystérie. En outre la suggestion si importante de Bernheim n'explique en rien l'hyperexcitabilité neuromusculaire (phénomène de réflexe musculaire aillant lieu pendant l'hypnose). Babinski se montre un disciple très fidèle de Charcot jusqu'a sa mort réfutant chaque théorie de Bernheim mais par la suite  à partir de 1893 Babinski, sur beaucoup de points, se rendra compte qu'il arrive tout de même aux mêmes conclusions que Bernheim et commencera à séparer hystérie et hypnose. Il définira l'hystérie comme « un état psychique rendant le sujet qui s'y trouve capable e s'autosuggestionner », cette nouvelle vision de l'hystérie eut un succès important surtout car c'était la seule conception venant d'un auteur de grande notoriété à opposer celle de Bernheim. Mais beaucoup d'opinion ont tendance à encore assimiler hypnotisme et hystérie et Babinski abandonne peu à peu sa croyance dans les aspects somatiques de l'hypnose et vers 1907 nous avons même l'impression qu'il ne croit plus à l'existence de l'hypnose. Il rejoindra alors Bernheim sur de nombreux points  allant jusqu'a  dire « es états hypnotique ne possèdent pas de caractère somatique objectif que la volonté soit impuissante à reproduire » ou encore admettant qu'un sujet ne peut être hypnotisé sans son consentement. Toutefois il se distingue de Bernheim  en refusant à l'hypnose un caractère thérapeutique.